L’orchestre continue à se produire à l’étranger jusqu’au début du second semestre de 1935 et rentre alors à Paris où il sera pendant plusieurs années l’une des formations chargée d’assurer l’ambiance musicale du prestigieux restaurant : MAXIM’ S, 3, rue Royale, Paris (8ème).
« Trois semaines de Suisse et j’étais prêt à affronter le pire public du monde, c’est-à-dire le haut du pavé chez le plus réputé des restaurant. Dans le but de parer à toute éventualité, je repris le chemin de la capitale où j’arrivais le 25 août 1935.
Bien m’en a pris, car le 27 au matin, j’eus un coup de téléphone d’Albert (le célèbre maître d’hôtel de l’établissement – « le maître d’hôtel des princes et le prince des maîtres d’hôtel !!! » N.D.L.R.) m’ avertissant qu’en raison d’un temps abominable sur Paris, MAXIM’ S avait rouvert plus tôt que prévu et que la clientèle désertait le Bois de Boulogne au profit de la ville et que l’on refusait du monde tous les soirs.
Il fallait qu’il y ait un orchestre au plus vite et j’avais quarante huit heures pour former quelque chose avec rien, car je ne savais pas où étaient mes musiciens habituels. Certains avaient été engagés dans d’autres orchestres, d’autres été partis en promenade ou chez des parents en province, bref … rien.
Mes débuts furent catastrophiques, même avec les meilleurs que je trouvais mais qui ne connaissaient rien de mon répertoire, ni des tempos que j’avais appris, ni des uniformes que nous mettions d’ordinaire. C’est donc le rouge au front que je débutais, persuadé que mon contrat de 15 jours ne serait pas reconduit.
J’ai passé de cette façon trois soirées horribles, mais dès le 1er septembre, après avoir envoyé des télégrammes à tous mes anciens musiciens, j’eus la joie de les retrouver, certains à la descente de leur train. Je présentais alors au public archi nombreux un orchestre au point, que les vacances n’avaient pas changé et qui marchait comme sur des roulettes.
Après les quinze jours fatidiques, je m’adressais, timidement, à Albert pour lui demander : « Que faisons nous maintenant ? ». De son air le plus bourru, il me regarda comme si j’étais une bête curieuse et me dit : « continuez ». Ce fut comme cela que je restais, à part pendant la guerre et l’occupation, sept années dans cet établissement sans avoir à poser une question de ce genre. Tout n’allait pas, cependant, aussi bien qu’on
pourrait le penser et il y eut bien de mauvais moments, mais je ne veux pas y songer, car non seulement le public habituel nous avait adopté, mais la direction nous soutenait. »