Après la Libération, on retrouve Ray BINDER, qui a participé à la Résistance, sur la scène parisienne où il est engagé par l’ « American Special Service » pour distraire les G.I.’s, comme le seront notamment le clarinettiste Claude ABADIE, Boris VIAN et d’autres …
« J’avais trouvé mon vieil ami Bob VAZ, de retour de captivité, et j’avais donc un excellent pianiste. Mon complice dans la « résistance », qui connaissait l’adresse de mes parents, Michel LAROZE, très bon violoniste et saxo et quelques autres volontaires furent réunis. Il manquait mon ami Pierre RENARD que personne n’avait vu et qui avait changé d’adresse plusieurs fois depuis qu’il avait été fait prisonnier. Mais, miracle, dans un couloir du métro, à la station : Place d’Italie, je me trouvais soudain face à face avec lui qui, également, me cherchait partout. Mon orchestre était formé et les galas succédèrent aux soirées pour les militaires et, très vite, le « Special Service » de l’armée américaine me contacta et m’engagea.
La première salle qui nous accueillit fut le grand hall du Grand Hôtel, près de l’Opéra et qui recevait tous les soldats alliés. C'est-à-dire qu’il y avait en permanence trois à quatre mille danseurs de toutes origines. L’entrée était libre pour les femmes et croyez bien qu’il n’en manquait pas. De temps en temps, nous étions remplacés par de grands orchestres américains d’une qualité magnifique, dont l’orchestre de Glenn MILLER, sans son chef qui avait péri dans un accident d’avion.
Un des trompettistes de ce groupe était subjugué par mon cornet trompette Besson et je lui échangeais contre deux trompettes Martin que j’ai gardé jusqu’au bout de ma carrière.
Par contrat, nous étions nourris le soir : cuisine typiquement américaine, bien sûr, mais quelle joie de manger enfin à sa faim !!!
Le Grand Hôtel était dirigé, en ce qui concernait notre travail, par une grosse américaine, très gentille, mais qui possédait une voix d’une telle puissance que j’entendais parfaitement ses ordres d’un bout à l’autre du hall, malgré le bruit de l’orchestre et celui de la foule immense. Elle m’a fait cadeau de tous les titres des U.S.A. et j’eus ainsi le privilège d’être à la page avant tous les autres.
Malgré cela, le Grand Hôtel retrouva son ancienne destination et nous avons changé plusieurs fois de salle. Mais les conditions de travail restaient les mêmes, repas compris, et je voyais mes musiciens grossir chaque jour davantage, malgré les courses effrénées que nous devions faire pour attraper le dernier métro, seul moyen de transport.
Tout a une fin et le Gouvernement Truman, désireux de faire des économies, décida de supprimer tous les clubs qu’ils avaient installés dans la ville.
Un contrat, civil, celui-là, nous attendait dans une boîte chic : Le Doge, 16, rue Volney, Paris (2ème) ... »